Des moyens insuffisants pour détecter les produits nocifs en amont
Nous avons vu il y a quelques jours que les produits phytosanitaires se révélaient dangereux pour notre santé et que, non seulement ils sont omniprésents dans l’environnement, mais leur durée de vie peut se révéler extrêmement longue. C’est dans ce contexte que nous nous sommes posés plusieurs questions relatives au développement et à la vente de ces produits.
Autorisation de mise sur le marché de produits phytosanitaires
Depuis le premier juillet 2015, c’est L’Anses qui distribue en France les autorisations de mise sur le marché des produits phytosanitaires. Le ministère de l’agriculture se chargeait auparavant de ces autorisations. L’agence base ses conclusions sur l’examen de la direction d’évaluation des produits règlementés qui réalise une analyse approfondie du dossier déposé par le demandeur. Le dossier déposé par le demandeur comprend 4 grands chapitres. Le premier traite des problèmes de santé publique, d’environnement et de sécurité. Le second chapitre doit démontrer l’efficacité du produit à répondre à une problématique de terrain. Le troisième chapitre présente l’ensemble des analyses réalisées en laboratoire concernant ce produit et enfin le dernier chapitre cite les publications liées à la molécule.
Une autorisation de mise sur le marché est valable pour une durée de 10 ans et le détenteur se doit durant cette période d’informer l’administration de tout fait nouveau quant à l’efficacité et l’innocuité du produit que des études ultérieures auraient mises en lumière. Concrètement, si le demandeur de l’autorisation de mise sur le marché réalise une étude démontrant un impact négatif sur l’homme ou l’environnement, il doit le déclarer à l’administration. On se trouve donc dans un système déclaratif qui repose sur les études réalisées ou financées par des industriels soucieux de voir leurs pépites estampillées CE.
Les enjeux financiers liés aux produits phytosanitaires
Le marché global des produits phytosanitaires devrait représenter environ 90 milliards de dollars par an en 2023. Les 3 géants européens que sont Bayer, BASF et Syngenta ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé d’environ 23 milliards d’euros en 2016 dans leurs branches phytosanitaires et souches résistantes. Le plus impressionnant dans tout cela reste les marges réalisées par BASF et Bayer, dont l’EBE en pourcentage du chiffre d’affaires dépasse les 23% sur cette typologie de produits, un chiffre extrêmement élevé en comparaison avec d’autres secteurs. Il s’agit donc d’un business extrêmement lucratif. 72 000 tonnes de ces produits ont été vendus en France en 2016 faisant de notre beau pays le second consommateur européen.
Ces produits phytosanitaires ne sont pas tous vendus directement par les sociétés qui les produisent et le chiffre d’affaires global que représentent les ventes sont bien plus importants. Lorsque l’on prend la mesure des enjeux financiers liés à ce secteur, on est en droit de se demander s’il est vraiment pertinent de baser une autorisation de mise sur le marché sur un dossier monté de toute pièce par la société qui en tirera les revenus futurs (et quels revenus !).
On peut à ce propos aborder le cas des « Monsanto papers », une fuite massive de documents internes qui a démontré que Monsanto faisait rédiger des études sur les produits qu’elle commercialise par ses employés puis qu’elle payait des scientifiques de renom pour signer ces études afin qu’elles paraissent crédibles. Ces pratiques douteuses et avérées n’empêchent d’ailleurs pas Monsanto de poursuivre la vente de ses produits. Ce système est extrêmement faillible. Ajouté à cela, Monsanto déclarait explicitement dans son rapport d’activité 2017 que la clé de la réussite dans ce secteur est la rapidité avec laquelle une molécule est mise sur le marché. Une logique qui met clairement de côté sécurité des consommateurs et préservation de l’environnement.
La culture du court terme
C’est une réelle course à la rentabilité et au développement de nouvelle molécule qui se joue. Cette course se joue à la fois côté laboratoires et du côté des producteurs qui exposent les populations aux produits qu’ils utilisent pour traiter leurs parcelles et en augmenter les rendements.
Les molécules doivent être mise sur le marché le plus rapidement possible afin de se trouver en position de premier entrant. De nombreuses erreurs sont donc commises et chaque année de nouveaux pesticides sont retirés du marché car on découvre qu’ils représentent un danger. Qu’ils soient cancérigènes ou perturbateurs endocriniens et, le fait est qu’on peut découvrir bien longtemps après la première année d’utilisation qu’un pesticide est nocif. L’exemple le plus récent est l’interdiction par l’Anses de 76 références à base d’époxyconazole. Cette molécule serait un puissant perturbateur endocrinien. La mise en lumière de la dangerosité de cette molécule a été soumise à l’Anses en 2013 et l’interdiction d’utilisation rendue effective le 28 mai 2019, six ans après. Les études sur lesquelles l’Anses se base datent de 2007 et 2008, une décennie perdue à répandre un produit que l’on savait nuisible.
Cet exemple n’est bien évidement pas isolé et de très nombreuses molécules sont concernées. Elles nous mettent en danger et font peser le risque de voir de puissants poisons répandus dans nos campagnes. Les moyens financiers déployés par les industriels et le manque de moyens vraisemblables des pouvoirs publics pour clairement identifier les risques que font peser ces produits ne peuvent que nous pousser à agir en tant que consommateur. Car le meilleur moyen de lutter contre la propagation de ces produits est encore de consommer bio ! N’hésitez pas à venir découvrir nos produits de la ferme en visitant notre boutique ! à très bientôt pour un prochain article.